Le roman de Boubacar Boris Diop est un regard sans œillères sur le génocide des Tutsi du Rwanda. Une écriture sobre, élégante et dépouillée raconte les histoires complexes de personnages en proie avec le plus inénarrable des crimes contre l’humanité. L’auteur expose les faits avant, pendant et après le génocide. La trame narrative haletante et la finesse psychologique du récit permettent au lecteur d’entrer et de ressortir indemne de cette chronique d’un génocide annoncé que le monde n’a pas su empêcher.

« Le récit de Diop se construit autour d’un génocide, sujet largement absent des études négro-africaines. Et pourtant, de l’extermination des Herero à celui des Tutsi, c’est sur le continent où il a été inauguré que se referme le cycle des génocides du XXe siècle. En un sens, cela signifie que la tentative de la négation de l’humain a aussi eu lieu sur les terres mêmes d’apparition de notre espèce. L’absence d’une réflexion systématique sur ces violences massives n’en est que plus frappante. Il existe certes une parole africaine sur la colonisation, les identités, les dictatures ou, en son temps, sur l’apartheid, mais a-t-on su l’articuler à notre vécu d’Africains ? A-t-on suffisamment pensé l’Afrique hors des sentiers battus de l’Occident? Il semble bien que non. Or, l’enjeu est pour nous d’innover en inscrivant nos lieux et formes de réflexion dans l’universel sans pour autant enjamber les réalités socio-politiques africaines, ou altérer leur profonde singularité. C’est ce qu’ont tenté de faire avec succès Murambi, le livre des ossements, et les autres romans africains consacrés au génocide des Tutsi du Rwanda ».

Jean-Pierre KAREYEGE